Le mouvement LaRouche : science, politique et absurdités

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Sarah Poulin-Chartrand

Au printemps dernier, je croise pour la première fois le kiosque des « Jeunes LaRouche du Canada » au centre-ville de Montréal. Intriguée par leur pancarte où on peut lire « Hors d’Israël Netanyahu! », je prends un de leurs magazines, intitulé Fusion. Sans comprendre le lien entre ce qui a tout l’air d’un mouvement politique et les textes scientifiques que je trouve dans leur revue (des articles tels que « Relativité de l’espace-temps » et « Un bateau à propulsion MHD »), je me mets à fouiller le Web en quête de plus d’éclaircissements. Mais le mystère s’épaissit... Des plans pour sauver l’industrie automobile côtoient des enseignements sur la physique et des critiques de l’administration Bush. Parti politique, lobby de M. Lyndon LaRouche, à l’origine du mouvement, ou purement secte, comme le clament certains?

Les membres du mouvement LaRouche sont contre la mondialisation et étaient contre l’invasion de l’Irak de 2003. Pacifistes? Ils ont attaqué au début des années 70 des membres du Parti Communiste, durant l’opération « Mop Up ». Bien que se présentant comme un candidat présidentiel démocrate, Lyndon LaRouche fait régulièrement interrompre des réunions et allocutions démocrates par ses supporters. Il a été emprisonné pour évasion fiscale, a cru que la CIA essayait de l’assassiner en manipulant certains de ses partisans, que seulement 1.5 millions de Juifs étaient morts durant l’Holocauste et que les Beatles étaient le produit des services secrets britanniques.

Je retrouve le mouvement environ un mois plus tard dans le Quartier Latin, où cette fois ils attirent les passants par le slogan « Save the auto sector! », et en profite pour poser plus de questions; on m’apprend que je suis invitée à venir assister à une classe donnée par de jeunes « larouchistes » tous les jeudis soirs. Peut-être en apprendrai-je davantage sur cette association et ses aspirations?

Quelques semaines plus tard, je me rends à leur local de la rue St-Denis, dans Villeray : chaises dépareillées, tapis industriel, sacs à dos jonchant le sol et affiches de Lyndon LaRouche sur les murs. L’endroit a des airs de bunker de révolutionnaires. J’arrive alors que les jeunes présents écoutent un « webcast » diffusé pour et par les branches canadiennes du mouvement; j’ai à peine le temps de saisir qu’une semaine d’activités devra être enclenchée. Un jeune anglophone passe près de moi en fredonnant un air classique, mais y ajoutant des paroles satiriques sur Dick Cheney. Luc, avec qui j’avais parlé au téléphone plus tôt dans la journée, s’approche et me demande ce qui m’a attirée chez les LaRouche. Je lui réponds que je suis simplement curieuse et que je voudrais comprendre plus spécifiquement quels sont leurs objectifs pour la scène politique québécoise. Sa réponse me laisse songeuse : la semaine précédente, des jeunes larouchistes se sont rendus à Vancouver pour la course au leadership du CAW (Canadian Auto Workers Union) pour récolter des appuis. Ce qu’ils ont à proposer serait salutaire pour l’industrie automobile, qui est contrôlée par le même monopole de « vieux » depuis plusieurs années. Ah bon? Je ne saisis pas bien le lien entre ce syndicat des travailleurs pancanadien et la politique provinciale.

Val, une autre larouchiste, essaie elle aussi de m’expliquer la beauté de leur organisation : les jeunes participants suivent des cours de musique classique, qui leur serviront dans leurs manifestations publiques, pour attirer l’attention des passants. La musique et la science se mêlent donc aux théories politiques de Lyndon LaRouche dans l’apprentissage des jeunes du groupe. Apprentissage qui inclut l’idée que les guerres actuelles (en Irak et au Liban) sont le fruit de Félix Rohatyn, grand banquier qui contrôle l’administration américaine. Toujours en me parlant de Beethoven et Mozart, Val conclut avec un énorme sourire : « Nous voulons un retour à la Renaissance! ». Je n’ai pas le temps de la questionner sur ce qu’elle vient de me dire, c’est l’heure du « briefing » politique de la journée, qui précède le cours de la soirée.

Un jeune s’installe devant notre groupe d’une quinzaine de participants, tous entre 18 et 25 ans, et dépose ses notes sur un lutrin de fortune – des boîtes d’oranges Sunkist sur lesquelles on a posé une grande affiche de Lyndon LaRouche, nous faisant face. La situation du Liban est vite évoquée pour dire que « nos » efforts ne peuvent être mis dans cette crise, que des actions plus précises doivent êtres accomplies près de chez nous avant de s’occuper de ce qui se passe au Moyen-Orient. Et puisque cette partie du globe est encore à construire, comment peut-on se soucier sa « destruction »? Plusieurs hochent la tête en signe d’approbation. On nous montre ensuite une carte qui inclut une partie de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Asie avec des traits reliant plusieurs villes. Des routes, des chemins de fer, une idée de départ pour la reconstruction? Tous ont l’air de saisir ce dont il est question, on passe à la partie suivante de la soirée.

Le moment que j’attendais pour comprendre le mouvement des LaRouche arrive enfin : Luc et Will animent le cours de la soirée et commencent leur présentation PowerPoint. Sur le mur devant nous, ils projettent un seul mot : WHY? Apparemment, c’est la question que l’on doit se poser pour faire des découvertes. Je ne suis pas sûre de suivre… Will remplace la première diapositive par des images de mathématiciens de l’Antiquité. Avec une lampe de poche et un miroir, nous avons finalement droit à un exposé physique sur le principe de la réflexion de la lumière. On éteint les néons, les participants sont invités à s’approcher du miroir et à suivre la trajectoire du faisceau lumineux. Je nage dans l’incompréhension la plus totale. Où sont les propositions politiques, les discours partisans? Les lumières sont encore fermées et personne ne regarde : j’en profite pour m’éclipser.

Deux heures de visite chez les jeunes LaRouche et tout ce que je retiendrai est le principe selon lequel la lumière choisit le chemin le plus rapide pour se refléter, c’est-à-dire que la réflexion se fait toujours à angle droit. Et surtout, comme nous l’a expliqué Luc, que pour apprendre, il faut savoir s’amuser…


Une analyse de prévensectes sur Solidarité et Progrès (la branche française du mouvement) :
http://www.prevensectes.com/solidarite3.htm

Un article sur « Lyndon LaRouche and the New American Fascism » de Dennis King :
http://dennisking.org/doug.htm

Les idées de Lyndon Larouche, sur Wikipédia :
http://en.wikipedia.org/wiki/Political_views_of_Lyndon_LaRouche

Pour « voir » les larouchistes à l’œuvre :
http://youtube.com/watch?v=mziYBfIgP08&mode=related&search=

Un article du Washington Post sur la « farce » peu comique qu’est le mouvement :
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A46883-2004Oct20.html

Site officiel des membres canadiens :
http://www.wlym.com/~montreal/

World Wide LaRouche Youth Movement :
http://wlym.com/tiki/tiki-index.php