Le Kiosque Média

"Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie." - Albert Londres

10.16.2005

Pas de bombes, pas de contrats!



Après les pressions sur les pigistes qui étaient du genre "si tu ne signes pas ce contrat, tu n'auras plus de contrats avec nous", voici l'ère du "si tu ne pars pas en Irak, tu n'auras plus de contrats".

(ce qui suit est extrait d'une liste de discussion française)

Le journaliste Richard Gizbert accuse la chaîne américaine ABC de l’avoir licencié parce qu’il ne voulait pas partir en Irak.

« Quand vous regardez les infos et que vous voyez un correspondant à Bagdad, vous devriez vraiment vous demander si cette personne a vraiment désiré se rendre sur place… ou si ce n’était pas l’unique moyen de voir son contrat renouvelé ». C’est à coups de déclaration comme celle-ci que Richard Gizbert relance le débat sur la nécessité, ou non, d’envoyer des journalistes en Irak. Ce reporter canadien de 47 ans réclame 3 millions d’euros de dommages et intérêts à la chaîne américaine ABC, qu’il accuse de l’avoir licencié parce qu’il refusait de partir en Irak.

Une accusation que réfute ABC. Marcus Wilfort, le directeur du bureau de
la chaîne à Londres, où travaillait Gizbert, affirme que ce dernier aurait été licencié à cause de restrictions budgétaires, en raison de sa qualité de « freelance », et surtout, parce qu’il était « un journaliste moyen ». Un constat surprenant, quand on sait qu’ABC faisait confiance à Gizbert depuis 1993, et que le grand reporter avait déjà couvert pour la chaîne les guerres de Bosnie, Tchétchénie et Somalie. Des conflits qu’il se garde bien de comparer à la guerre en Irak : « En Bosnie, en Tchétchénie, le danger était là, c’est évident. Mais depuis le 11 septembre, les journalistes ne sont plus seulement perçus comme des observateurs, par certains extrémistes, mais par des participants prenant part au conflit ».

D’où les chiffres émanant du Comité de Protection des Journalistes de New York, qui officialisent la mort d’au moins 135 journalistes en Irak depuis 2003. Selon Marcus Wilfort, « l’Irak est l’endroit le plus dangereux pour les journalistes ces dernières années », et « tous les correspondants d’ABC qui y sont allés ont dit qu’ils n’y retourneraient pas ». Il n’empêche que, d’après lui, les journalistes de sa chaîne qui ont refusé d’aller à Badgad n’ont pas pour autant été licenciés.

Des collèges qui ont
témoigné, lors du procès, des grandes qualités professionnelles de Richard Gizbert et qui comprennent parfaitement sa décision de ne pas vouloir couvrir le conflit irakien à la suite de la naissance de son dernier fils. Déjà père de deux enfants, Gizbert avait alors annoncé sa décision de ne pas partir pour l’Irak en avançant qu’ « on peut trouver des jeunes reporters prêts à tout pour partir là-bas. Soit parce qu’ils sont passionnés par le sujet, soit parce qu’ils savent que c’est là un moyen de progresser très vite dans le milieu ».

Ce journaliste qui n’a plus rien à
prouver a affirmé au procès que « de nombreuses personnes arrêtent le reportage de guerre quand ils ont leurs enfants. Moi, je l’ai fait un peu plus tard, quand mes enfants ont commencé à me demander pourquoi je faisais ça… que je n’étais pas capable de leur fournir une réponse sensée». Reste à savoir si les avocats de la chaîne auront une « réponse sensée» à lui apporter…

Auteur : Virginie Le Baler
 
Top Blogues