L'observateur (?) de Cuba
Depuis que Castro flirte avec la mort, les journalistes cherchent les spécialistes de Cuba. Le premier qu’ils trouvent est Claude Morin, professeur honoraire au département d'histoire de l'Université de Montréal (photo ci-contre). Le problème est qu’on le présente comme un « observateur de la scène cubaine depuis plus de 30 ans ». Dans le même ordre d’idées, on pourrait dire que Jean Chrétien est un observateur de la scène libérale ou que Gérard Larose est un observateur de la scène syndicale.
Morin, il en a le droit, est un observateur pro-Castro.
Dans une lettre envoyée à La Presse (2 août 2006) intitulée D'un Castro à un autre, il écrit : « Cet homme est une force de la nature et on a du mal à concevoir qu'il puisse trépasser rapidement. C'est un lutteur qui ne démissionne jamais, doué d'une volonté à transformer le monde. C'est peut-être au contraire l'occasion d'une transition, mais pas celle qui est attendue depuis l'autre côté du détroit de Floride. L'équipe aura perdu, dans ce cas, son joueur le plus talentueux, son capitaine, mais ses camarades sauront prendre la relève et continuer l'oeuvre. »
Saluons cet enthousiasme juvénile. Mais comment cet universitaire au curriculum long comme le bras peut-il justifier une dictature? Le gros bon sens dit qu’on ne peut pas. Mais les croyants n’ont rien à cirer du bon sens. Des écrivains comme Brasillach ou Aragon ont justifié l’un Hitler, l’autre Staline. Mao et même Enver Hoxa, le sinistre dictateur de l’Albanie, ont eu leurs défenseurs en Europe comme au Québec. C’est toujours intéressant de voir comment les croyants justifient l’injustifiable.
Voici un extrait d’un long texte justifiant la censure. Admirons la grâce avec laquelle Morin pratique la quadrisection capillaire:
« Cuba distingue les droits socio-économiques et les droits civiques. Les premiers sont des droits sociaux. Cuba fait tout ce qui est en son pouvoir pour rendre effectif l’accès universel à l’éducation, à la santé, au logement, au travail, à la culture. Les droits civiques, à caractère individuel, qu’elle reconnaît, sont assortis de devoirs déterminés par les intérêts collectifs. Cuba admet le principe de la jouissance responsable des droits individuels. Elle respecte les libertés religieuses. Elle respecte la liberté d’association dans la mesure où l’association n’est pas jugée contraire aux intérêts nationaux. Elle respecte également la liberté d’expression. Les citoyens peuvent tenir entre eux des propos qu’ils veulent dans la mesure où ils ne prônent pas des actions extrémistes ou irresponsables. Ils peuvent se plaindre des lenteurs du transport, des pénuries, de la morgue des bureaucrates. Mais le régime n’admet pas l’expression médiatisée d’opinions contraires aux politiques définies par l’État et le parti. Ces opinions ne peuvent donc pas s’exprimer dans les médias cubains ni déterminer la formation d’associations pour les véhiculer. Or des journalistes viennent de l’extérieur recueillir les propos d’opposants. Ils ne s’intéressent pas aux points de vue de ceux qui défendent la Révolution. Les médias étrangers s’arrogent ainsi le pouvoir de décider qui a droit à la parole. Seuls les opposants (les «dissidents») sont courtisés, recherchés, écoutés, diffusés. C’est contre ce traitement unilatéral que le gouvernement et beaucoup de Cubains s’élèvent. »
Par ailleurs, il y a une quinzaine d’années, Morin avait farouchement défendu un collègue, historien de droite, qu’un marxiste de l’Uqam voulait absolument faire renvoyer de l’Université à cause de ses opinions. Morin est parfaitement capable de mener deux contradictions de front!
Finalement, il avait parfaitement raison de déclarer à Marie-Michèle Giguère du journal étudiant Quartier Libre, ( Vol. 13, numéro 17) qu’il était impossible de présenter une fine analyse des événements et des enjeux en Amérique latine.
(...)"le principal défaut de la couverture journalistique des élections en Amérique latine, c'est que les journalistes suivent l'actualité locale seulement durant la semaine précédent les élections, voire uniquement le jour même."
Il est vrai que le problème ne se pose pas à Cuba…..
Par contre, Morin ne cache pas ses convictions sur Castro. Ce n’est pas le cas de Jean-François Nadeau, journaliste au Devoir. Une brillante candidature pour le prix « Ni oui ni non bien au contraire ».
Que faut-il penser désormais de Cuba? Dans les journaux, l'affaire semble entendue, tant le dossier est accablant. Au Devoir, sur les murs de la grande salle de rédaction, plusieurs affiches produites par Reporters sans frontières dénoncent le sort fait aux intellectuels par le régime castriste. «Bienvenue à Cuba, la plus grande prison du monde pour les journalistes». Ou encore: «Découvrez un Cuba insolite» grâce à un circuit touristique unique qui comprend «des prisons, des centres de rééducation» et d'autres lieux oubliés. Tout cela évidemment ne s'appuie pas sur rien.
Il est toujours plus facile de dénoncer chez les autres ce qui peut se passer aussi chez soi, à des degrés bien divers, il est vrai.
Les États-Unis de George W. Bush ont-ils autant de leçons de démocratie à donner à Cuba qu'ils le prétendent, pendant que l'île leur sert de véritable camp de prisonniers politiques à Guantánamo?
La démocratie est-elle aussi vive qu'on le pense dans un univers qui permet à deux ou trois hommes de contrôler de haut en bas la chaîne de la production de l'information?
Faut-il jeter la pierre qui est tombée de l'édifice du voisin sans prendre aussi garde à ce qui risque de s'écrouler chez nous?
L'enfer, c'est toujours ailleurs. Curieusement, le paradis aussi. Comprenne qui pourra. »
Le Devoir 5 février 2005, p. F2
On ne saurait mieux conclure !
Sur la question cubaine
Dans l’hebdomadaire allemand Spiegel : Rencontre avec les persécutés de Cuba (en anglais). Accusations, arrestations, exécutions, la révolution cubaine n’est pas connue pour traiter ses critiques gentiment. Les punitions varient des raclées et des "Acto de Repudio" à la prison de Guantanamo où on sert des soupes de boue aux prisonniers.
Lettre de Cuba, un article du New Yorker.
La crise des missiles de Cuba
Le Mémorial de Caen produit ces pages trilingues sur la crise d'octobre 1962. C'est concis, précis, et judicieusement illustré.
L'Institut International d'Histoire Sociale rassemble une collection d'affiches de propagande en provenance de Cuba.
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