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"Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie." - Albert Londres

12.02.2006

Coter l’échelle de compétences au secondaire du Ministère de l’Éducation : de 1 à 5? Un gros zéro


“Évaluer des compétences, (…) c’est nécessairement une question de jugement”, peut-on lire d’entrée de jeu dans le manuel “Échelle des compétences” du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport paru en juin dernier. Cependant, le lecteur peut rapidement se demander si cette attrayante prémisse n’est pas plutôt une parure du document de 104 pages.

D’emblée, il faut dire que le Ministère n’a pas réinventé la roue, ou devrait-on dire, l’échelle. Au lieu du A, B, C, D, E d’origine, il demande aux professeurs d’utiliser les niveaux 5,4,3,2,1, soit compétence « marquée, assurée, acceptable, peu développée, très peu développée. » Ce modèle uniforme à toutes les disciplines est présenté en page 7 (pour télécharger le document : http://www.mels.gouv.qc.ca/DGFJ/de/pdf/13-4609.pdf ). Alors que certains autres tableaux du Ministère ont été fortement critiqués pour leur complexité légendaire, ici, c’est un jeu d’enfant. Un enfant de maternelle. En page 10 cependant, la légende reprend vie. « Être évalué pour mieux apprendre » peut se faire en 7 fastidieuses, mais ô combien merveilleuses étapes. Pourquoi faire simple quand on peut faire simpliste ou compliqué?

Alors que les grandes étapes du développement d’une compétence d’un élève du primaire se font sur un continuum, les échelles au secondaire ont un caractère « prescriptif », où les régimes pédagogiques vont reconnaître un niveau de compétence à l’élève à chaque fin de cycle. « Le bilan des apprentissages transmis aux parents doit donc comporter une référence explicite aux échelles des niveaux de compétences. » Ok. Cependant, un parent qui reçoit le bulletin de son enfant au secondaire n’y verra qu’un chiffre. Heureusement que le Ministère a pensé écrire un petit paragraphe bien vague pour expliquer ce que ce chiffre signifie et pour s’assurer que « le bilan des apprentissages soit établi de manière sûre et uniforme. », comme on peut le lire en page 6. Heureusement, oui, car on parle bien de deux années au secondaire ou même trois, résumées avec une seule cotation (voir en page : 15,17, 19…).

Le taux de décrochage scolaire chez les jeunes du secondaire est si alarmant que le Ministère a décidé de jouer sur les mots. Il a révisé son vocabulaire : au lieu de faire l’évaluation de l’élève à chaque fin d’année, on procède maintenant à l’évaluation des compétences de celui-ci, à chaque fin de cycle, question de lui donner une chance de revamper des compétences plus faibles durant une année scolaire. Un élève ne peut plus échouer car ce sera plutôt ses compétences qui ne seront pas à niveau, pas lui.

De plus, le Ministère décrit ainsi les niveaux de compétences des élèves: « Ces décisions doivent tenir compte de leurs centres d’intérêts, de leurs besoins et de leurs capacités, mais aussi de leur réussite dans les différentes disciplines. » C’est comme si l’école, dans son souci de respecter les capacités et aptitudes de chaque élève, en venait à oublier l’esprit de compétition, qui est aussi une source de dépassement personnel. Ne faudrait-il pas lire plutôt : SURTOUT de leur réussite dans les différentes disciplines? L’école n’est pas un camp de vacances après tout; le but premier est d’apprendre et de s’épanouir, certainement, mais surtout de maîtriser certaines bases. Tous ne méritent peut-être pas d’obtenir un diplôme.

Conséquence : on limite les échecs, mais on valorise la médiocrité. C’est comme si on avait décidé de descendre la barre car on était tanné de voir passer les élèves en dessous. Sur une échelle de 1 à 5, combien se mérite le Ministère? Un gros zéro.

Marie-Josée Richard

1 Comments:

  • At 02 décembre, 2006 22:53, Blogger Pat Caza said…

    "doivent tenir compte de leurs centres d’intérêts"
    ça sonne pas mal comme une Walmartisation de l'éducation

    "Tous ne méritent peut-être pas d’obtenir un diplôme"
    et
    "on valorise la médiocrité"
    parfaitement d'accord, mais n'oubliez pas d'ajouter que ceux qui peuvent sauter facilement la barre sont aussi en droit qu'on se débrouille pour la leur faire sauter à un niveau challengeant et motivant, car,
    c'est rendu d'un triste et d'un mauvais gout total pour la mise en scène l'école
    dans le fond, pour eux, si tu comprends comment mettre à peu près le change exact dans le gros distributeur éclairé en rouge père noel, t'es bon pour la machine
    c'est ça la nouvelle "réforme"?

     

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