Les Ivan sous le drapeau rouge
Connaissez-vous Ivan ? Fantassin dans l’Armée rouge pendant la seconde guerre mondiale, son histoire a rarement, voire jamais, été évoquée dans la littérature ou au cinéma. Et pourtant, Ivan n’est pas un simple soldat.
C’est 30 millions de simples soldats. De Staline à Brejnev, les dirigeants soviétiques ont longtemps loué les vertus d’une Armée rouge conquérante, inébranlable et triomphante. Le front de l’Est, Stalingrad, Berlin … Autant de campagnes qui ont forgé le mythe. Mais qu’en est-il des millions d’hommes et de femmes qui l’ont servie? Sacrifiés sur l’autel du collectivisme soviétique, ces combattants n’ont jamais eu droit de cité. Catherine Merridale, dans Ivan's War: Life and Death in the Red Army, 1939-1945, leur redonnent la parole.
Au terme de dizaines d’heures d’entrevue avec des anciens combattants et grâce à l’accès, récemment autorisé, aux archives de l’armée et de la police soviétique, Merridale, historienne britannique, a retracé le destin d’Ivan et de ses compagnons (Ivan étant le surnom donné à tous les fantassins de l’Armée Rouge). D’où venaient-ils ? Quelles étaient leurs conditions de vie ? Comment ont-ils vécus ce conflit, qui a tué 8 millions d’entre eux ? Qu’est-ce que cette guerre représentait pour eux ? C’est à ces questions, et à beaucoup d’autres, qu’Ivan’s War répond.
L’entrée en guerre de l’Armée rouge est catastrophique. L’incompétence des autorités soviétiques et l’empressement de Staline provoquent une véritable bérézina. Des millions de combattants, paysans pour la plupart, venus des 4 coins de l’Union Soviétique, mal entraînés, mal équipés, mal commandés, sont envoyés au front. Les pertes humaines sont conséquentes. Pour 1 soldat allemand tué, 20 Ivan trouveront la mort.
Puis vient la bataille de Stalingrad. Les soldats soviétiques sont maintenant mieux entraînés et mieux coordonnés. Ils remportent ainsi une victoire héroïque, salvatrice pour l’URSS. Une victoire qui en amènera d’autres sur le front de l’Est. Le point d’orgue de la campagne militaire soviétique étant l’entrée dans Berlin et la capitulation de l’ennemi nazi.
Maintes fois décrites, ces batailles sont, dans Ivan’s War, abordées sous un angle nouveau. C’est de l’intérieur que Merridale nous les fait revivre. En retranscrivant les journaux intimes, les correspondances, les carnets de campagnes, les comptes rendus d’état major et autres documents auxquels elle a eu accès, l’auteure plonge le lecteur dans le quotidien des soldats soviétiques pendant la seconde guerre mondiale. Au delà des conditions de vie spartiates et des corps meurtris, ce sont aussi les sentiments, les frustrations, les peurs et les états d’âme de ces hommes et femmes, que l’historienne nous fait découvrir. La dévotion totale des soldats à la cause communiste, longtemps vantée par les dignitaires soviétiques, est notamment mise en doute. Dans un souci d’objectivité et d’exhaustivité, l’auteure tente aussi de faire témoigner des vétérans sur les atrocités et les crimes de guerre commis par ces soldats sur la population civile, surtout en terre allemande. Le travail de vérité atteint ici ces limites : aucun des anciens combattants interrogés ne s’en souviendra et, encore moins, admettra y avoir participé.
Ivan’s War: Life and Death in the Red Army, 1939-1945 est un récit essentiel dans l’histoire de la seconde guerre mondiale et du système soviétique. C’est la première fois, en 60 ans, que les combattants de l’Armée rouge sortent de l’ombre et s’expriment en toute liberté. En révélant le destin de ces hommes, traumatisés par la guerre, peu considérés par leur hiérarchie et oubliés du système, Ivan’s War écorne sérieusement le mythe d’une Armée rouge infaillible et reconnaissante envers ses combattants.
Nicolas Satgé
La critique de The Independent
La critique du New York Times
La critique de Powell’s
La critique du Journal of Power Institutions in Post-Soviets Societies
Ivan's War
Life and Death in the Red Army, 1939-1945
Par Catherine Merridale
Henry Holt and Co.
janvier 2006
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