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"Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie." - Albert Londres

7.30.2007

Recueil d'éditoriaux de Jean-François Revel


Jean-François Revel
Fin du siècle des ombres

Recueil d’éditoriaux, Fayard, 1999.
Plon, 2002.

Les éditoriaux de Jean-François Revel, décédé l’an dernier, ont été pendant 30 ans parmi les plus influents de la presse française.


Quelques extraits :

P.73
La bureaucratie syndicale – la « syndicratie » selon le pertinent néologisme forgé pour la désigner par François de Closets – constitue un cas éminent de détournement de mission. Né au XIX siècle pour défendre le prolétariat ouvrier contre le patronat capitaliste, le syndicalisme a aujourd’hui pour profession d’améliorer les avantages de la partie la plus protégée, la mieux pourvue et la mieux traitée des salariés, et ce au détriment d’autres salariés.

P. 196
L’Américain n’existe pas. Les éditeurs qui se croient savants quand ils emploient cette mention n’écrivent qu’une sottise. Les Américains parlent anglais, malgré des différences d’accents et d’expressions comme il y en a aussi entre les régions et les classes sociales en Grande-Bretagne. Dit-on d’un roman de Simenon, d’un poème de Michaux, qu’ils sont « traduits du belge », et des versions étrangères du « Contrat social » qu’elles sont traduites du genevois ?

P.258
La différence qu’il y a entre une grève dans une compagnie privée et une grève dans le monopole public, c’est que, dans une compagnie privée, il s’agit d’une grève contre l’employeur et que, dans le monopole public, il s’agit d’une grève contre la nation. La question est de savoir si le même droit peut régir ces deux types de grève. Soyez tranquille : cette question ne sera pas posée – pas, du moins, par le gouvernement. Et ne le sera pas davantage une autre question de toute économie moderne : qu’est-ce qui relève vraiment du secteur public et qu’est-ce qui serait beaucoup mieux fait par le privé ? Et si elle n’est pas posée, ce n’est pas qu’il soit impossible d’y répondre, c’est qu’on ne veut surtout pas connaître la réponse. Discrétion coûteuse : moins il y a de concurrence, plus la productivité est basse, plus les effectifs doivent donc être nombreux, et moins les salaires peuvent être hauts. Les personnels y perdent autant que les usagers.

p. 494
Partout, les dépenses sociales justifiées servent de cheval de Troie à des groupes de pression qui se couvrent du masque de la solidarité pour extorquer au pouvoir politique des privilèges injustifiés. C’est au contribuable anonyme de les payer.

P.498
La classe politique française tout entière a perdu tout contact avec les idées de notre temps. Qu’elle nous épargne au moins l’oraison perpétuelle du « débat d’idées ». Quel débat ? Quelles idées ? Nous n’entendons que des clichés, des formules incantatoires : l’ « exclusion », ce vide-poche où l’on entasse cinquante phénomènes hétérogènes, dont chacun a des causes différentes et est justiciable d’un traitement différent ; le « dialogue », c’est-à-dire l’institution d’un bavardage creux comme panacée ; les solutions dites de « proximité », façon d’éluder la réflexion sur les problèmes de base, qui sont tous généraux ; être « à l’écoute » des gens, ce qui veut dire que l’on s’écoute parler. Contrairement à ce qui se ressasse, la pensée politique s’est profondément renouvelée depuis quinze ans. Mais les acteurs politiques n’en savent rien.

p.581
Comment, dans l’état actuel des flux migratoires, instaurer sans catastrophe une liberté totale d’immigration ? Comment admettre une foire d’empoigne où l’entrée et l’installation définitive de tout étranger extracommunautaire dépendraient de sa seule décision, sans que les autorités du pays d’accueil aient leur mot à dire ?
Exiger que l’immigration cesse d’être contrôlée ou même connue, surtout dans un pays à forte protection sociale, avec des budgets sociaux déjà en grave déficit, c’est rechercher la déstabilisation permanente de la société, l’abolition de l’État de droit, voire de la citoyenneté. Le programme du Front national, qui veut mettre tous les étrangers dehors, et celui des pétitionnaires, qui veulent les mettre tous dedans, sont également impraticables et immoraux. Car ils assurent l’un et l’autre l’échec irrémédiable de l’intégration, cette longue tradition qui fut et doit demeurer l’honneur de la France. Selon leur démarche habituelle, les intellectuels ou automates de gauche, ou prétendus tels, organisent ainsi la destruction pratique de l’idéal dont ils se réclament en théorie. Ce n’est pas là être l’ami des immigrés ; c’est être leur pire ennemi.

p.605
Que l’on nous épargne des poncifs du genre « c’était un homme de convictions », chose en soi dénuée de toute valeur morale car il y a des convictions qu’il vaudrait mieux ne pas avoir.

Entrevue

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