Le virus radio-canadien
L'accent tonique
L'accent tonique est à la base d'une langue. Si on le déplace, on dénature la langue. Dans l'ouvrage de référence de celui qui a souvent conseillé Bernard Derome, on peut lire : « En français, l'accent tonique doit s'appliquer sur la dernière syllabe sonore d'un mot.» Or, plusieurs journalistes placent leur accent sur la première ou la seconde syllabe comme il faut le faire… en anglais. Par exemple, on ne doit pas dire : « MOnique LAberge, RAdio-CAnada MONTréal», mais plutôt : « Monique LaBERGe, Radio-CanaDA MontRÉAL». Camil Chouinard précise que les déplacements d'accent tonique que nous faisons au Québec sont en général des anglicismes. C'est ainsi que le calque de l'accent tonique anglais détruit complètement la musicalité du français.
Ces journalistes qui parlent anglais
Camil Chouinard fait remarquer que la plupart des journalistes qui commettent des erreurs linguistiques ne sont pas conscients de leur mal. Ainsi, ils ne songent même pas à s'améliorer. Il note aussi que le déplacement de l'accent tonique est paradoxalement dû à une volonté de bien s'exprimer. Notre journaliste anonyme abonde dans le même sens : « Les journalistes veulent bien faire. Parce qu'ils sont terrifiés par l'ennui, ils se forcent trop et en viennent à commettre des fautes de langage.»
Des exemples ? Écoutez bien les topos d'Emmanuelle Latraverse, de Jean-Philippe Robillard ou de Monique Laberge. Et aussi en ligne :
Catherine Gauthier
(dérouler jusqu'au reportage Coulon, le candidat libéral);
Emmanuelle Latraverse
(Emmanuelle Latraverse résume le projet de loi d'Ottawa)
Vincent Maisonneuve
(Le combat de Percy Schmeiser);
Danielle Levasseur
(Roi des forêts… et des villes ; Débat fumant à Ottawa);
Marc Godbout
(La voix des détenus);
Catherine François
(Le président Calderon s'est rendu sur place, explique Catherine François);
Claude Deschênes
(Claude Deschênes a assisté à la première montréalaise)
Un problème facile à régler
Heureusement, le déplacement indu de l'accent tonique est un virus facile à guérir. Il suffit d'abord d'en prendre conscience puis, si le problème persiste, de faire appel à un professeur de diction ou à un conseiller linguistique. Or, il y a de moins en moins de formation offerte en ce sens aux journalistes. Radio-Canada faisait traditionnellement appel à des spécialistes du français parlé, mais cette pratique tend à disparaître.
La génération des annonceurs comme Normand Séguin ou Raymond Archambault nous a donné de vrais bons lecteurs qui maîtrisent avec art le maniement de l'accent tonique et de la diction de la langue française. Vous n'avez qu'à écouter ce dernier pour vous en rendre compte, la comparaison est on ne peut plus parlante (Budget fédéral 2005-2006 - Émission spéciale sur la Première chaîne, animée par Raymond Archambault). Les nouvelles générations de journalistes devraient prendre exemple sur eux plutôt que de se mimer les uns les autres répandant ainsi l'aliénation langagière qui court en ce moment.
Plus simplement, il s'agit de retrouver son naturel et de réaliser que personne ne s'exprime ainsi dans la vie courante. Camil Chouinard conseille aux journalistes d'écouter l'accent tonique dans le français parlé par n'importe quel ouvrier qui sait naturellement en user.
Delphine Naum
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