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"Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie." - Albert Londres

12.01.2007

Pour des enseignants à la langue bien pendue


Dans ce texte d’opinion publié dans Le Devoir, Olivier Dezutter (photo ci-dessous), professeur de didactique du français et membre du Centre de recherche sur l’intervention éducative de l’Université de Sherbrooke, argumente et commente « la parole de l’enseignant [qui] reste son principal outil de travail ». Son texte se résume à énumérer des postulats aussi simplistes que celui cité, d’autant plus qu’il s’acharne à répéter ses énoncés. On finit la lecture de ce texte en se demandant bien où ça devait mener…

L’introduction devait déjà nous mettre sur la piste : « Il fallait s’y attendre : le phénomène resurgit chaque année autour de la rentrée scolaire. Dès que les premières feuilles dans les arbres prennent des couleurs, les feuilles de journaux ne dérougissent pas d’éditoriaux, d’articles et de courriers de lecteurs pourfendant la piètre maîtrise de la langue d’une frange – que certains voudraient laisser croire de plus en grande – d’enseignants ou de futurs enseignants. »

Déjà, on comprend qu’il dénonce un groupe de gens qui traitent d’un sujet particulier, la « piètre maîtrise de la langue d’une frange » (il faut bien noter qu’il est d’un autre groupe, d’une certaine élite universitaire… « frange », c’est plus chic que « quelques enseignants »). Mais ce qu’on conçoit davantage c’est qu’il s’inscrit lui-même dans cette démarche de dénoncer la qualité de la langue des enseignants. Légèrement boiteux comme entrée en la matière si on est pour faire exactement la chose que l’on déplore…

Mais c’est au milieu du commentaire qu’il précise que l’objet réel de son texte c’est d
e « dégager quelques traits spécifiques composant le portrait de l’enseignant en tant que professionnel de la parole ». Il explique donc que les enseignants se servent de la parole pour enseigner. Simple non? Alors pourquoi toutes ces formules pompeuses, très « universitaires »? Car on s’aperçoit bien vite que le plus intéressant dans ce commentaire, c’est le langage utilisé par l’auteur lui-même. Il parle des « perles extraites de la bouche de quelques membres de la profession », mais il est beaucoup plus amusant de s’attarder sur les perles de ce texte. Voici donc un petit lexique « dezutterien ».

- Lorsqu’il écrit : « Cela étant, les formules fautives relevées (…) représentent des indicateurs d’un phénomène par ailleurs documenté par les travaux scientifiques rigoureux de collègues chercheurs qui se sont intéressés à la qualité de la langue orale des futurs enseignants. », il faut lire : « Plusieurs ont déjà étudié la langue orale des enseignants. » Mais formulé ainsi, il ne pouvait préciser que ce sont ses collègues qui se sont penchés sur la question…
- Lorsqu’il écrit : « ceux qui ont (…) sonn[é] à la fois l’alarme et la charge », il faut lire : « ceux qui en ont parlé », « ceux qui se sont intéressés au sujet », etc. Mais l’alarme et la charge, c'est plus dramatique.
- Lorsqu’il écrit : « Il faut aussi que l’enseignant installe, par son exemple, la norme attendue dans le contexte scolaire. », on lit : « Il faut que l’enseignant enseigne. » N’est-il pas évident que dans une classe, la « norme attendue dans le contexte scolaire » est nécessairement définie par l’enseignant? Qu’il s’agit-là exactement de la définition de son rôle?
- Lorsqu’il écrit : « Il est nécessaire de vérifier la maîtrise des compétences de base de l’oralité dans ses dimensions (…) pragmatiques (capacité de varier les registres selon les situations de communication) », on comprend : « Un enseignant qui parle à un enfant ou à un adulte n’utilise pas le même vocabulaire. » Fou, non? On n’y avait pas pensé…
- Lorsqu’il écrit : « les pratiques d’oralité professionnelles d’un enseignant diffèrent de celles d’un caissier de grande surface ou d’un employé de banque », on comprend que les niveaux de langue sont différents selon l'emploi et selon la place que prend l'oralité dans cet emploi. Et qu’un enseignant transmet un savoir, il ne sert pas un client…
- Lorsqu’il écrit : « il peut toujours paraître surprenant et exagéré d’établir un verdict au départ de quelques indices épars », on remarque tout d’abord la rime (quoique suffisante). On se dit ensuite que ça explique parfaitement ce qu’il a fait dans la citation précédente.
- Lorsqu’il dit : « En tant que formateur et chercheur », on lit : « Mon opinion est bonne puisque, je vous le répète, je suis formateur et chercheur. »
- Etc.


Karine Lachapelle

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