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"Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie." - Albert Londres

3.21.2007

Le Pétomane (ou: sujet détonnant)


Sigmund Freud voulait rencontrer Joseph Pujol; des médecins ont offert des fortunes pour examiner son cadavre. Il est vrai que l’anatomie de Pujol était unique; ses spectacles aussi…

Péter en public est, pour nous tou
s, socialement très embarrassant. Sauf pour Joseph Pujol qui, au plus profond de lui-même, a toujours su que ses flatulences lui apporteraient gloire et notoriété. Retour sur le destin du Pétomane, un homme qui n’a jamais rien lâché.

Fils d’immigrés Catalans, Pujol naît à Marseille en 1857. C’est lors d’une baignade dans sa Méditerranée natale qu’il découvre qu’il n’est pas tout à fait comme tout le monde. Sentant une fraîcheur inhabituelle au niveau des entrailles, le jeune Joseph se rend compte qu’il se remplit d’eau, comme une vulgaire baudruche … Sauf qu’une baudruche ne se remplit pas par le rectum. Alors que Joseph, si. Et plus étonnant encore, il se vide peu après, et toujours par le rectum, de toute l’eau emmagasinée ! La mère et son fils, pris de panique, filent voir un médecin. Le diagnostic est sans appel : Joseph a le sphincter élastique. Il ne court aucun danger. C’est pendant son service militaire que Pujol prend véritablement conscience du don qui est le sien. S’il peut absorber l’eau par le rectum, il doit être en mesure d’aspirer l’air par le même orifice. Et de l’expulser. En contractant savamment ses abdominaux, Pujol parvient à ses fins. Il se perfectionne et réussi à émettre des flatulences de sonorités variées et inodorantes, parce que non-issues de la digestion. Il présente son premier spectacle à ses partenaires de régiment et se choisit alors un nom d’artiste qui ne le quittera plus: le Pétomane.

De retour de l’armée, Pujol reprend la boulangerie familiale (la rue dans laquelle se trouve la boulangerie s’appelle, aujourd’hui, la rue Pujol) et se marie à une fille de boucher. Le soir, après le travail, il chante et fait l’acteur, au sein d’un groupe de comédiens, dans les bars et estaminets de l
a cité phocéenne. Il enfile son costume de pétomane seulement pour la famille ou pour amuser ses connaissances. Mais, décidé à faire du Pétomane une véritable vedette, Pujol, aidé de quelques amis, monte un spectacle et achète un petit théâtre dans lequel il est, bien sûr, tête d’affiche. Le succès est immédiat. Le bouche-à-oreille fonctionne merveilleusement et le tout-Marseille se déplace. La salle est pleine à craquer tous les soirs. En plus de l’aspect divertissant que représente le spectacle, les foules se plaisent à aller voir un artiste irrévérencieux au possible, qui dénote clairement avec l’austérité intellectuelle de l’époque. Le Pétomane est un grand bol d’air. Le succès aidant, les amis et la famille de Joseph le persuadent de tenter sa chance à Paris, la ville-lumière.

Pujol arrive à Paris en 1892, après avoir rôdé son spectacle en province. Il se poin
te directement au Moulin Rouge, institution du show-business parisien de l’époque. Le directeur, Oller, accepte de le recevoir. Ne s’encombrant pas de bla-bla, Pujol, en guise d’audition, fait venir une bassine d’eau, aspire son contenu par l’anus, se vide et propose un florilège de ses meilleurs pets. Oller, estomaqué, l’engage sur le champ et fait placarder dans tout Paris : « Le Pétomane, le seul qui ne paie pas des droits d’auteurs »

Le succès est encore une fois au rendez-vous. La prestation du Petomane est totalement inédite et pleine d’humour. Il se présente sur scène habillé d’un costume en velours d’un rouge seyant, ouvert sur le postérieur, parle de lui et de son don. Il annonce ensuite les imitations et les exécutent : le ténor, la basse, le baryton…Le pet d’une fillette, celui d’une jeune mariée (avant et après la nuit de noces), celui d’une belle mère…Le canon, le tambour et autres percussions … Tout en flatulences, bien sûr. La mise en scène est parfaite et la prouesse technique impressionne: les pets peuvent durer 10 à 15 secondes, un seul pet suffit à éteindre une bougie à 30 cm, des séries de 10 à 12 pets consécutifs sont réalisées…. Le clou du spectacle est la flûte anale : Pujol s’introduit un tube dans le rectum et fume une cigarette, toujours par le rectum, se trouvant à l’autre bout du cylindre. Il finit par jouer quelques notes de musiques, en utilisant ses pets et le tube. On relate des évanouissements et des étouffements (de rire) pendant la prestation.

Pujol entre dans les annales du Moulin Rouge. Il rapporte plus de recettes que Sara Bernhardt. Au sommet de sa popularité, même Sigmund Freud veut le rencontrer. Ne se cantonnant pas au temple du spectacle parisien, il donne aussi des représentations dans des clubs fermés, réservés aux hommes. Le roi des Belges, Léopold II, assiste, impressionné, à une des ses performances. En 1894, pour aider un de ses amis commerçant dans le besoin, il accepte de jouer dans son magasin. Ce n’est pas du goût d’Oller, qui met fin à leur fructueuse collaboration et le poursuit en justice. Pujol est reconnu coupable. La rupture consommée, il fonde alors le théâtre Pompadour, une scène itinérante, qui con
tinue à attirer du monde partout où il passe. Il va même se produire en Afrique du Nord, en Espagne, en Belgique…Il alterne sa prestation avec des numéros de magies et de mimes, réalisés par d’autres membres de la famille Pujol, que Joseph, fort de son succès, a rapatrié à Paris. En contrepartie, Oller tente de lancer le « femme-pétomane ». Le spectacle est est très durement critiqué et s’avère être une supercherie.

En 1914, la Première guerre mondiale est déclarée. Les fils Pujol partent se battre dans les tranchées. Le théâtre Pompadour cesse ses activités : les gens n’ont plus le goût de sortir. Qui plus est pour aller voir un spectacle basé sur les pets et autres flatulences, alors que le gaz moutarde fait des ravages sur les champs de bataille. Une fois l’armistice signé, Pujol ne trouve pas la motivation nécessaire pour rouvrir le théâtre Pompadour. Il décide alors de redescendre à Marseille, avec toute sa famille. Joseph Pujol n’enfilera plus jamais son costume de pétomane.


Il décède en 1945, entouré de ses enfants et petits-enfants. Une faculté de médecine proposera beaucoup d’argent pour pouvoir prélever les organes si particuliers du Pétomane. Ses descendants ont toujours refusé.


Que son âme repose en pets.


Nicolas Satgé



Un texte de Normand Lebeau dans le site www.norja.net (faites votre carte du ciel, en passant)

Joseph Pujol, the Fartiste", un chapitre extrait de l'ouvrage "The RE/Search Guide to Bodily Fluids" de Paul Spinrad

Le Petomane: Behind Music (du magazine Ooze)


(photos tirées des sites de l'Université de Napierville et du Magazine Ooze)
 
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