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"Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie." - Albert Londres

3.15.2007

Bout de la ligne


Chaque jour apporte son lot de nouvelles discordes quant au futur des espèces marines. D'un côté les écologistes, qui annoncent que dans 40 ans les océans seront vides de tout être vivants. Et de l'autre, l'industrie de la pêche, qui se réjouit du retour des grands bancs de poissons.

La consommation mondiale de poissons et de fruits de mer a atteint des pics inégalés ces dernières années. Si, en termes de santé publique, on ne peut que se réjouir de cette nouvelle tendance alimentaire, il n’empêche que la demande sans cesse croissante pour ce type de produit représente une menace écologique sans précédent : la surpêche est aujourd’hui en passe de vider les océans. Charles Clover, décrit dans The End of the Line: How Over-fishing Is Changing the World and What We Eat une situation déjà critique.

Charles Clover est journaliste, spécialiste des questions environnementales, au London Daily Telegraph. Son propos quant à la situation est catégorique: la modernisation des techniques de pêches pour satisfaire la consommation mondiale ravage les écosystèmes marins et détruit des dizaines d’espèces chaque année. L’utilisation de chaluts de plus en plus larges, ratissant massivement, et sans distinction, les fonds océaniques est, selon l’auteur, une aberration qu’il convient d’éliminer. Clover étaye son propos à grands renforts d’exemples marquants : ainsi, pour 500 grammes de sole dans votre assiette, pas moins 7 kilos de poissons et autres fruits de mer auront été pêchés. Ou bien encore, 90 % des grands poissons présents dans les océans en 1950 ont aujourd’hui disparus.

Clover a parcouru le globe, remonté les filières et enquêté pendant plus de sept ans pour dresser un état des lieux exhaustif et tenter de définir les responsabilités de chacun. Au final, ce sont des gouvernements complaisants, des multinationales de la pêche avides de revenus et des pêcheurs sans scrupules qui sont pointés du doigt par l’auteur, sans oublier certains scientifiques qui n’ont pas su mesurer l’ampleur du phénomène. Clover est particulièrement critique envers l’Union Européenne qui s’est arrogée, à coup de millions d’euros, le droit de pêcher dans les eaux africaines, mettant en péril et les fonds marins et les, déjà modestes, conditions des pêcheurs locaux. Certains pays, tels l’Espagne ou le Japon, qui persistent à pêcher de façon illégale, n’échappent pas à la critique.

Les habitudes de consommation du citoyen-lambda sont aussi passées au crible. Clover en appelle au bon sens: déguster un poisson « exotique » est du même acabit que manger du panda ou du rhinocéros. L’image est habile et marque forcément le lecteur. De plus, si la surconsommation est difficilement jugulable, il est cependant possible de consommer « intelligemment ». Une liste des espèces de poissons non-menacées d’extinction est, à cet effet, insérée dans l’ouvrage.

Si la situation est très critique, Clover estime qu’il est encore temps d’agir et d’instaurer des mesures drastiques pour inverser la tendance. Il salue notamment les initiatives déjà prises par certains pour palier au problème, comme celles qui, par exemple, ont permis le repeuplement des bancs de morues en Atlantique Nord. Lui-même milite pour le développement de la pisciculture et l’établissement d’immenses zones libres de toutes pêches. Loin du ton moralisateur qui sied souvent à ce genre d’enquête, The End of the Line: How Over-fishing Is Changing the World and What We Eat, lauréat du prix André Simon en 2004, apporte un éclairage nouveaux sur nos habitudes alimentaires et permet à tout lecteur de saisir l’enjeu quant aux futur de nos océans.

Nicolas Satgé



Critique de People & Planet

Critique du San Diego Union-Tribune

Critique de The Working Waterfront

Entrevue avec Charles Clover

Mémorial André Simon


The End of the Line: How Over-fishing Is Changing the World and What We Eat
de Charles Clover

Ebury Press/Random House (UK)

Droits: The New Press (US), Bertelsmann, (Germany), Ponte alle Grazie/Longanesi Group (Italy), Atlas (Dutch), Shoten (Japanese)

juillet 2004

 
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