Économiste de formation, j'enseigne les méthodes quantitatives dans notre programme de maîtrise en études urbaines. Je suis aussi un auditeur assidu du Téléjournal de Radio-Canada et, déformation professionnelle oblige, je suis particulièrement attentif aux nouvelles économiques, notamment à l'évolution des indices boursiers. Depuis longtemps, je suis agacé par le format dans lequel Radio-Canada présente ces données : le citoyen que je suis se sent mal servi et le professeur de méthodes quantitatives a envie de décerner une bien mauvaise note.
Le Téléjournal présente quatre indices boursiers : le Dow Jones Industrials, le NASDAQ/US, le Standard and Poor's S&P/TSX et le TSX croissance. On pourrait critiquer l'absence du Standard and Poor's S&P 500, dont la base plus large que celle du Dow Jones Industrials en fait un indicateur plus représentatif de la tendance des bourses états-uniennes. Mais je veux surtout m'en prendre au format de présentation : pour chaque indice, on affiche - très brièvement ! - le nom de l'indice, son niveau à la clôture, le nombre de points de variation et un symbole indiquant s'il s'agit d'une hausse ou d'une baisse.
Ce que je reproche à cette présentation, c'est que le nombre de points de variation, en soi, est dépourvu de signification. Par exemple, le 12 septembre, à la clôture des marchés, le S&P 500 se situait à 1240,56, en baisse de 0,92, tandis que le S&P/TSX composite était à 10885,16, en baisse de 13,04. Est-ce à dire que le S&P/TSX de la Bourse de Toronto a baissé beaucoup plus que le S&P 500 des bourses américaines ? Pour le savoir, il faut examiner les variations relatives :
… le S&P 500 était à 1241,48 (1240,56 + 0,92); une baisse de 0,92 représente donc une diminution de 0,07% (100 ¥ 0,92 / 1241,48);
… le S&P/TSX composite était à 10898,20 (10885,16 + 13,04); une baisse de 13,04 représente donc une diminution de 0,12% (100 ¥ 13,04 / 10898,20).
Ainsi donc, il est vrai que la Bourse de Toronto a baissé davantage que les bourses américaines, mais les deux baisses sont du même ordre de grandeur. Mais pour voir cela, le pauvre téléspectateur doit se livrer à un exercice de calcul mental éclair que, pour ma part, je réussis rarement. Voilà un exemple patent de mauvaise information : pas fausse, mais inutilisable; de l'information qui n'informe pas ! Dans mon cours de méthodes quantitatives, cela mériterait un D, au mieux...
Pour que ce type de données économiques soient compréhensibles, il faut absolument afficher les variations en pourcentage et ce, même si, arrondies à deux décimales, elles sont moins précises. De toute façon, le supplément de précision que donne le nombre de points de variation est illusoire, puisque les variations de la bourse au jour le jour importent bien moins que la tendance. J'espère donc que Radio-Canada modifiera la présentation des données économiques pour les rendre lisibles.
André Lemelin
Professeur-chercheur
INRS-UCS