Visite chez les moniales de Ste-Thérèse
Sarah Poulin-Chartrand
Début décembre 2005, je pars rencontrer deux soeurs cloîtrées dans leur monastère de Ste-Thérèse. À la différence de l’image stéréotypée que je me fais de la religieuse d’aujourd’hui, qui a forcément l’âge de ma grand-mère, Annie et Marie-Véronique ont respectivement 27 et 31 ans. Et elles mènent une vie d’ermite, de silence et de prière, à des lieux de ce que vivent les femmes de leur âge.
Annie, qui termine bientôt son noviciat, et sœur Marie-Véronique sont des religieuses Rédemptoristines, le pendant féminin des Rédemptoristes, et habitent une communauté d’une vingtaine de soeurs. Elles se lèvent à 5h15 tous les matins, prient avant le déjeuner et prieront pour un total de 6 heures dans leur journée. Un autre 6 heures est consacré au travail : ménage, finances, couture, cuisine… selon les compétences. Elles auront finalement une pause après le souper durant laquelle elles regardent parfois un film de Walt Disney ou écoutent les nouvelles provenant de Radio-Vatican.
En arrivant chez les moniales de Ste-Thérèse, j’ai l’impression de revenir 10 ans en arrière. Je replonge dans la même ambiance que celle que j’ai connue durant mon secondaire au (très) catholique collège Regina Assumpta : même silence gênant dans le grand hall d’entrée, même sourire discret et un peu froid de la religieuse qui m’accueille et, surprise, même petits souliers de cuir, façon années 50. On me fait passer dans un corridor où plusieurs portes sont alignées ; ce sont les parloirs et on y pénètre du côté « visiteur ». J’attends Annie qui entrera par une autre porte, en face de moi. Durant notre discussion, nous sommes séparées par une table mur à mur qui coupe la petite pièce en deux. La grille n’existe plus comme dans les parloirs d'autrefois pour isoler les religieuses, mais la frontière, bien que symbolique, est clairement établie.
Je rencontre une jeune femme jolie, sereine et très vivante. Si je m’attendais à quelqu’un d’un brin endoctriné, je dois l’admettre, je découvre en réalité une personne réfléchie, pour qui l’appel de la vie religieuse a bouleversé des plans futurs de mariage et de famille. Bien qu’ayant toujours été très croyante et pratiquante, Annie ne se destinait pas à la vie cloîtrée, loin de là. Cartographe de formation et de métier, elle avait des amis, un appartement, une voiture et avait déjà eu quelques relations amoureuses avant de sentir l’ « appel » de Dieu. Et le fait de tout laisser derrière ne se fait pas sans réflexion. Lorsque je lui demande comment elle entrevoit le fait de ne jamais avoir de vie sexuelle, elle me répondra qu’elle a mûrement pensé à ce qu’elle abandonnait. Et malgré un léger pincement au cœur que lui a causé la visite récente d’une amie et de son poupon, la foi et l’attrait d’une vie silencieuse ont été plus forts que le reste. Même du sport, qui manque beaucoup à cette ancienne gardienne de but au hockey… Est-elle une marginale ? En riant, elle répond que oui, probablement.
Pour sœur Marie-Véronique, cette période d’ajustement est déjà chose du passé. Elle est entrée au monastère de Ste-Thérèse à l’âge de 22 ans et a déjà prononcé ses vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté. Vœux que Annie ne pourra prononcer que 6 ans après son postulat. Habillée de blanc sous une tunique bourgogne, Marie-Véronique a les cheveux cachés sous un voile noir, des lunettes un peu démodées et affiche un sourire constant. À l’âge de 7 ans, après une rencontre avec une religieuse que sa mère lui présente comme étant l’amoureuse de Jésus, Marie-Véronique ressent un vif appel pour ce type de vie. Au-delà du silence et du recueillement, c'est au fond un amour pour le Christ qui la mène dans cette voie, une envie de vivre sa vie avec lui. C'est finalement à 9 ans qu'elle sait qu'elle sera moniale. Et contrairement à Annie, Marie-Véronique a toujours accepté les sacrifices se rattachant à ses choix. Oui, elle a eu des amoureux à l'adolescence, mais en gardant toujours en tête l'idée de la pureté à conserver pour son Dieu.
Après deux heures chez les Rédemptoristines, je sors du monastère de la Côte-Saint-Louis. Je suis en plein coeur de Ste-Thérèse et j'attends l'autobus qui me ramène au métro. Je sens de façon aiguë le monde qui me sépare de ces deux femmes et bien que soulagée d'être enfin à l'air "libre", je ne peux m'empêcher de penser qu'elles sont peut-être plus libres que certaines personnes que je connais. Totalement à contre-courant, elles ont choisi une vie que plusieurs méprisent de nos jours. Pour moi, le mot marginalité vient définitivement de prendre un nouveau sens...
Début décembre 2005, je pars rencontrer deux soeurs cloîtrées dans leur monastère de Ste-Thérèse. À la différence de l’image stéréotypée que je me fais de la religieuse d’aujourd’hui, qui a forcément l’âge de ma grand-mère, Annie et Marie-Véronique ont respectivement 27 et 31 ans. Et elles mènent une vie d’ermite, de silence et de prière, à des lieux de ce que vivent les femmes de leur âge.
Annie, qui termine bientôt son noviciat, et sœur Marie-Véronique sont des religieuses Rédemptoristines, le pendant féminin des Rédemptoristes, et habitent une communauté d’une vingtaine de soeurs. Elles se lèvent à 5h15 tous les matins, prient avant le déjeuner et prieront pour un total de 6 heures dans leur journée. Un autre 6 heures est consacré au travail : ménage, finances, couture, cuisine… selon les compétences. Elles auront finalement une pause après le souper durant laquelle elles regardent parfois un film de Walt Disney ou écoutent les nouvelles provenant de Radio-Vatican.
En arrivant chez les moniales de Ste-Thérèse, j’ai l’impression de revenir 10 ans en arrière. Je replonge dans la même ambiance que celle que j’ai connue durant mon secondaire au (très) catholique collège Regina Assumpta : même silence gênant dans le grand hall d’entrée, même sourire discret et un peu froid de la religieuse qui m’accueille et, surprise, même petits souliers de cuir, façon années 50. On me fait passer dans un corridor où plusieurs portes sont alignées ; ce sont les parloirs et on y pénètre du côté « visiteur ». J’attends Annie qui entrera par une autre porte, en face de moi. Durant notre discussion, nous sommes séparées par une table mur à mur qui coupe la petite pièce en deux. La grille n’existe plus comme dans les parloirs d'autrefois pour isoler les religieuses, mais la frontière, bien que symbolique, est clairement établie.
Je rencontre une jeune femme jolie, sereine et très vivante. Si je m’attendais à quelqu’un d’un brin endoctriné, je dois l’admettre, je découvre en réalité une personne réfléchie, pour qui l’appel de la vie religieuse a bouleversé des plans futurs de mariage et de famille. Bien qu’ayant toujours été très croyante et pratiquante, Annie ne se destinait pas à la vie cloîtrée, loin de là. Cartographe de formation et de métier, elle avait des amis, un appartement, une voiture et avait déjà eu quelques relations amoureuses avant de sentir l’ « appel » de Dieu. Et le fait de tout laisser derrière ne se fait pas sans réflexion. Lorsque je lui demande comment elle entrevoit le fait de ne jamais avoir de vie sexuelle, elle me répondra qu’elle a mûrement pensé à ce qu’elle abandonnait. Et malgré un léger pincement au cœur que lui a causé la visite récente d’une amie et de son poupon, la foi et l’attrait d’une vie silencieuse ont été plus forts que le reste. Même du sport, qui manque beaucoup à cette ancienne gardienne de but au hockey… Est-elle une marginale ? En riant, elle répond que oui, probablement.
Pour sœur Marie-Véronique, cette période d’ajustement est déjà chose du passé. Elle est entrée au monastère de Ste-Thérèse à l’âge de 22 ans et a déjà prononcé ses vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté. Vœux que Annie ne pourra prononcer que 6 ans après son postulat. Habillée de blanc sous une tunique bourgogne, Marie-Véronique a les cheveux cachés sous un voile noir, des lunettes un peu démodées et affiche un sourire constant. À l’âge de 7 ans, après une rencontre avec une religieuse que sa mère lui présente comme étant l’amoureuse de Jésus, Marie-Véronique ressent un vif appel pour ce type de vie. Au-delà du silence et du recueillement, c'est au fond un amour pour le Christ qui la mène dans cette voie, une envie de vivre sa vie avec lui. C'est finalement à 9 ans qu'elle sait qu'elle sera moniale. Et contrairement à Annie, Marie-Véronique a toujours accepté les sacrifices se rattachant à ses choix. Oui, elle a eu des amoureux à l'adolescence, mais en gardant toujours en tête l'idée de la pureté à conserver pour son Dieu.
Après deux heures chez les Rédemptoristines, je sors du monastère de la Côte-Saint-Louis. Je suis en plein coeur de Ste-Thérèse et j'attends l'autobus qui me ramène au métro. Je sens de façon aiguë le monde qui me sépare de ces deux femmes et bien que soulagée d'être enfin à l'air "libre", je ne peux m'empêcher de penser qu'elles sont peut-être plus libres que certaines personnes que je connais. Totalement à contre-courant, elles ont choisi une vie que plusieurs méprisent de nos jours. Pour moi, le mot marginalité vient définitivement de prendre un nouveau sens...