Juillet 1914, l’Autriche-Hongrie, alliée de l’Allemagne, déclare la guerre à la Serbie. La Russie, soutenant la Serbie, ordonne la mobilisation générale contre l’Allemagne. À partir de ce moment-là, les événements se précipitent et l’Empire allemand déclare les hostilités à la Russie et à son alliée la France. C’est le début de la Première Guerre mondiale.
Malgré un début de conflit assez favorable pour les Allemands, l’Empire est finalement vaincu par les Alliés renforcés en 1917 avec l’arrivée des États-Unis. L’accord d’armistice sera signé en novembre 1918.
Tous ces faits sont sus et parfaitement reconnus au niveau international, mais le sont-ils également en Allemagne? Pierre Jardin se propose de répondre à cette question avec son ouvrage Aux racines du mal : 1918, le Déni de la défaite. Si le titre du livre est explicite, de quel déni de défaite parle-t-il ?
Dès la fin des hostilités, un mythe se mit à circuler en Allemagne : la défaite de l’Empire serait imputable à la révolution allemande qui a eu lieu le dernier mois de la guerre (novembre 1918). Ainsi, l’armée allemande n’a pas été battue ; elle a été victime des traîtres de l’arrière. C’est le mythe du «coup de poignard dans le dos».
Rappelons que, de 1871 jusqu’à la fin de la guerre, l’Empire allemand était un régime autoritaire particulièrement hermétique à la social-démocratie. La révolution allemande de 1918 entraîna la chute de la monarchie et l’accession au pouvoir d’un régime républicain, la République de Weimar.
En rejetant ainsi le blâme sur les sociaux-démocrates, les militaires et le gouvernement de l’empereur occultent leur propre responsabilité dans la défaite de l’armée. Et pourtant, comme le démontre Pierre Jardin, ils ont commis bon nombre d’erreurs stratégiques. Un autre fait méconnu est l’état d’extrême faiblesse dans laquelle se trouvait l’armée allemande depuis 1918.
Pour rédiger cet ouvrage qui analyse les dessous de la légende du «coup de poignard dans le dos», l’auteur a eu accès à des sources restées inédites jusqu’en Allemagne même. Des sources qui ont permis à Pierre Jardin de trouver les prémices de la légende en amont, bien avant 1914, bien avant la Grande Guerre. Depuis la fin du XIXe siècle, les idéaux de la social-démocratie effrayaient particulièrement les conservateurs. Les valeurs d’égalité et de liberté leur semblaient parfaitement incompatibles avec certaines notions chères à l’esprit allemand : sens de la hiérarchie, notion d’unité et de sens national…
Le mythe du «coup de poignard dans le dos» permet aux militaires, aux nationalistes et aux conservateurs de rendre la social-démocratie responsable de l’armistice et du traité de Versailles. Elle a préparé les conditions d’accession au pouvoir du national-socialisme.
Pierre Jardin est agrégé d’histoire, professeur, chargé de recherche et docteur d’État en sciences humaines et sociales. Il a été membre de la Commission internationale chargée de la publication des archives diplomatiques allemandes. Il a reçu le Prix du Maréchal Foch en 2006 pour cet ouvrage Aux racines du mal : 1918, le Déni de la défaite.
Claudine Souchon
Pour en savoir plus :
Présentation du livre sur Amazon.fr
Aux racines du mal : 1918, le Déni de la défaitePierre Jardin
Tallandier Éditions, 2005
639 pages